Maudit français

Les premiers temps, c’est assez surprenant de se l’entendre dire. Généralement sur le ton de la plaisanterie, au détour d’une discussion entre collègues, entre copains ; mais le genre d’humour grinçant, qui vous laisse un goût amer. Notre nationalisme franco-français en prend un coup et c’est bien normal. Et pourtant, avec le recul, l’expression prend tout son sens ; quand vous voyez débarquer de nouveaux immigrants français avec leurs ballots d’idées toutes faites, leur prétentions de mieux faire que tout le monde, sans compter leur attirail de comparaisons « en France c’est comme ci », « en France c’est comme ça », « en France c’est mieux », « en France on dit ça comme ça »… Bref, imaginez votre réaction devant une telle attitude, une telle arrogance !

Le Québec n’est pas la France ; le Québécois n’est pas un français d’outre-Atlantique ! Le Québécois est un Nord-Américain dans un îlot de francophonie, avec une histoire, une culture, des mentalités, des codes totalement différents des nôtres. Vous parlerez la même langue, mais pas le même langage, l’humour est différent, le fonctionnement de la société, le rapport avec l’argent, le système de santé, les routes et infrastructures, les heures de repas, les conditions de travail, les congés… même la notion d’amis ou encore les techniques de drague sont différentes de celles que vous connaissez. Pas mieux, pas moins bien, simplement différentes.

Alors, en montant dans l’avion, déposez vos à-priori et endossez le manteau de l’humilité. Vous arrivez dans un pays autre que le vôtre ; un pays que vous avez choisi, mais qui ne vous a pas encore adopté. Laissez-vous pénétrer par cette nouvelle culture sans toujours comparer avec ce que vous connaissez, donnez-lui la chance de vous séduire ; ne vous arrêtez pas aux détails, mais regardez la globalité. Autrement, vous courrez au devant de graves déceptions. Peut-être même au point de vous faire revenir au pays, frustrés du Québec.

Si vous acceptez le challenge, une riche expérience vous attend ; une parenthèse de deux, trois, cinq… dix ans, peut-être une vie entière. Et rapidement, l’expression « maudit français » ne vous fera plus grimacer ; c’est même vous qui l’emploierait en voyant des Français pleins d’illusions débarquer dans votre bureau ou dans votre voisinage !